Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
SOUVENIRS

Cependant, M. Roland, soutenu par la conscience de ses vertus, et plein de confiance dans les vertus du peuple français, qu’il avait si bien cultivées, M. Roland, dis-je, ne se laissa pas intimider par les manœuvres des cordeliers : on vint pour l’arrêter au nom du comité révolutionnaire, et comme ce tribunal n’était pas encore établi d’après une loi conventionnelle, il ne crut pas être obligé, en bonne conscience, de se rendre en arrestation ; d’abord il proteste contre les mandats du comité d’insurrection permanente, ensuite il s’empressa de se donner la mort pour se soustraire à l’échafaud qui l’attendait, et pour conserver, autant qu’il était en lui, la légalité dans les actes judiciaires de la république[1].

Quelques mois plus tôt, la citoyenne épouse du ministre avait été mandée à la barre de la Convention nationale, pour être interrogée sur une correspon-

  1. Ceci rappelle assez le trait délicat de M. Barbé de Marbois, qui voulut absolument rester dix-huit mois de plus que tous les autres déportés ses collègues, à Sunamary, au milieu des crapauds, des serpens à sonnettes et des crocodilles, dans la fange empestée jusqu’aux jarrets, sans pain, sans abri, sans habits, entouré d’anthropophages, et ceci pour avoir la satisfaction d’en être rappelé constitutionnellement, et par un décret ad hominem. — C’est le Directoire qui m’a fait condamner injustement à la déportation : je veux que ce soit lui qui me rappelle ! — Mais, citoyen Barbé, il n’y a plus ni Directoire exécutif, ni Convention nationale. — C’est égal ; je ne veux pas sortir de la constitution ! je ne connais que la constitution de l’an III ! Il a fallu toute la puissance consulaire pour décider M. Barbé-Marbois à se relâcher de son exigence. On disait de lui qu’il avait l’encolure de la physionomie d’un homme qui aurait été pendu injustement.
    (Note de l’Éditeur.)