Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
SOUVENIRS

campagne, et des citoyennes qui font belle gorge, et des catins du comité.

Ces expressions-là ne devraient pas être livrées à l’impression par une femme ; enfin, le style de Mme  Roland se ressent toujours de ses habitudes familières : il tend souvent à l’affectation d’une virilité pédante ; mais l’enflure ne la préserve pas de la trivialité ; et quand elle veut s’élever dans la région politique, c’est toujours en style de 93, avec des phrases à la Danton. Elle est absolument pour ses vertus républicaines et pour Brutus, pour son austérité conjugale et pour Cornélie, comme les poètes du temps de la régence étaient pour les houlettes et les agneaux, pour les musettes et les nymphes champêtres.

En défendant son mari de plusieurs reproches que lui faisaient les montagnards, et tout en protestant qu’il n’était pas moins fier que les Domitius et moins considéré que les Gracques, Mme  Roland convient pourtant qu’il n’avait rien négligé pour obtenir des lettres de noblesse ; ensuite elle établit longuement et complaisamment tous les droits qu’elle avait trouvé jadis à ce parfait républicain pour obtenir du Roi le titre d’Écuyer, avec ses priviléges d’armoiries et de livrées, de pain bénit, d’encens à la grand’messe et de girouette au colombier.

Je vous ai déjà dit que Mme  Roland avait fait inutilement le voyage de Lyon à Paris pour y solliciter des lettres de noblesse. J’ai connu bon nombre de familles qui sont devenues successivement patriotes, démocrates et jacobines et dont les motifs