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SOUVENIRS

sagréables à toucher que des pierreries et des perles fines. Voilà de l’esprit d’analyse et d’observation bien employé.

Dans le récit qu’elle nous a laissé de la mort de sa mère, on voit plutôt les inspirations d’un esprit ardent que l’empreinte de sa tendresse et de sa douleur incomparables. Au milieu des sanglots et des plaintes, on y démêle aisément la vanité, la personnalité de l’écrivain et le calcul de ses intérêts alarmés. On entrevoit, dans cette scène de deuil, je ne sais quoi d’inexplicable et de plus affreux que la mort ; une irritation dédaigneuse, une espèce de rage impie, et comme un accès d’orgueil en révolte contre les destinées humaines et l’éternité de Dieu.

Le seul passage de ces Mémoires où j’aie trouvé de la sensibilité, c’est dans une lettre adressée par l’auteur, après sa condamnation, à une femme inconnue, qui avait consenti non sans peine et sans dangers pour elle, à recueillir sous un nom supposé la fille de Mme  Roland… « Vous avez un fils, citoyenne, et cette idée m’a troublée ; mais on m’a dit que vous aviez aussi une fille, et je me suis sentie rassurée : c’est en dire assez à une mère, à une personne telle que je vous suppose… Mon état produit de fortes impressions ; in le comporte pas de longues expressions. Adieu, ma fille !… » Voilà pour cette fois la mesure et l’expression d’une affliction véritable ; c’est un cri qui part des entrailles et qui va frapper droit au cœur ; pour être étouffé, il n’en est que plus déchirant, et l’on dirait qu’en vertu d’une loi de la nature on n’entendra jamais