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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

qu’elle avait été demandée en mariage par une espèce de gentilhomme et par un grand nombre de négocians ; par un médecin qui s’appelait Gardâne, et par un boucher qu’elle ne daigne pas nommer (Je vous dirai qu’il avait nom Graindorge).

Tandis que nos banquiers philosophes et nos manufacturiers publicistes voudraient nous faire envisager la prospérité de la monarchie dans la prospérité de leur trafic, et voudraient placer toutes les gloires de la société dans l’industrie mercantile, il est bon d’écouter la fille de M. Flipon, graveur orfèvre, et la démocrate épouse de M. Roland, inspecteur des manufactures, discourir sur les commerçans, sur les fabricans et sur l’esprit du négoce en général. Elle enveloppe dans un mépris commun le petit bijoutier, le petit mercier, et le gros marchand de draps qui se croit supérieur aux deux autres ; l’esprit du commerce, est suivant Mme  Roland, la source de l’avarice et de la friponnerie ; il consiste tout entier dans la convoitise de l’or, avec le calcul d’en amasser et la ruse d’en multiplier les moyens ; elle ajoute que tous les négocians sont étrangers aux idées généreuses et à toute espèce de sentimens délicats. Enfin Mme  Roland termine sa diatribe, en établissant un parallèle entre les diamans et le petits pâtés ; entre le joailliers de la couronne et les marchands de croquet. Tous ces négocians et leurs misérables épouses lui paraîtraient absolument dans la même position, si ce n’est pourtant que les petits pâtés ayant leur prix fixe, on y peut moins tromper les acheteurs ; et si ce n’est apparemment que les confitures et les godivaux sont ordinairement plus dé-