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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

vaut mieux qu’on ne le croit, et surtout quand elle est épurée par la souffrance. On s’arrêtait dans les rues, pour peu qu’on eût une figure honnête ; on questionnait et se proposait des secours, on s’apitoyait ou se réjouissait avec tant d’humanité, tant de franchise et si simplement ! Mais c’était surtout les pauvres jeunes gens qu’il fallait voir aux Tuileries, dans les spectacles, à la représentation des Deux Journées, et surtout quand on chantait le Réveil du peuple ! Tout le monde y faisait chorus ; on s’embrassait sans se connaître, on s’étreignait avec des éclats de joie convulsive ou de généreuse indignation qui auraient fait couler des larmes d’un rocher ! On pleurait ; on délirait !… Mais il faut que je vous fasse copier, cette abrupte mélopée, incorrecte, désordonnée, mais solennelle et vigoureuse ! cet hymne rude, mais accentué par la délivrance et la générosité vengeresse, enfin cette chanson qui répondit à tous les cœurs et tous les sentimens, à toutes les douleurs et tous les besoins de votre pays ! Je trouve que l’air de ce chant véritablement patriotique vaut encore mieux que les paroles, tant il me paraît énergique, attendrissant et passionné !


LE RÉVEIL DU PEUPLE



Peuple français, peuple de frères,
Peux-tu voir sans frémir d’horreur,
Le crime arborer les bannières
Du carnage et de la terreur ?