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SOUVENIRS

che ta poitrine… Ô le plus scélérat des hommes, vis encore quelques jours pour penser à moi, dors pour rêver de moi, que mon souvenir et ta frayeur soient le premier appareil de ton supplice ; adieu… ce jour même en te regardant je vais jouir de ta terreur. »

Il faut vous dire à présent que cette fameuse lettre anonyme dont tout le monde admirait la vigueur et la beauté farouche, était une amplification d’écolier. Plus de six mois avant qu’elle eut été trouvée dans les papiers de Roberspierre et publiée dans les journaux, · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ainsi que vous le savez, la femme d’un parent de votre père et notre compagne au Luxembourg. Elle m’en avait montrée la copie qu’elle venait de trouver dans les cahiers de son fils ; et comme cette copie se trouvait couverte de corrections, de variantes et de ratures, elle n’avait pas eu de peine à lui faire avouer que c’était lui qui avait compose cette belle épitre, qu’il avait du reste, envoyée par la petite poste, et les cheveux nous en dressaient de terreur ! Il parait que le dictateur avait soigneusement conservé l’original de cette lettre pour tâcher d’en découvrir l’auteur, et il ne se doutait guère que cet écrivain comminatoire était un enfant de neuf ans. En pensant que ce petit garçon avait trouvé moyen d’empoisonner les jours et de troubler les nuits de