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SOUVENIRS

Il avait ses bureaux, disait-il, à la ci-devant maison d’Elbœuf, place Marat ci-devant du Carrousel ; il me disait d’y faire porter mon offrande, et vous pouvez supposer combien tout ceci me parut attendrissant ! L’oncle Dupont me demanda si j’oserais ne rien envoyer à ce commissaire national ?… et pour tranquilliser ce pauvre Dupont, je m’empressai de répondre à cet employé que je ne m’embarrassais guère des patriotes de Mayence, et que je ne voulais rien donner pour les filles-mères, attendu que mes dons pourraient avoir l’inconvénient de les encourager à ne pas se marier.

Ce fut Langevin qui porta ma lettre à l’hôtel d’Elbœuf, et Montlinot se mit à dire que, de l’autre côté des ponts, toutes les ci-devant marquises avaient répondu la même chose, et que dans le faubourg Saint-Germain c’était le mot d’ordre.

Il dit ensuite au même René Dupont : — Et toi, Citoyen, ne veux-tu rien donner pour ton propre compte ? le don le plus minime est toujours un bienfait pour le beau sexe dans la souffrance et pour le patriotisme dans la pénurie qui suit la persécution du despotisme et les malheurs de l’exil !

— Citoyen Montlinot, lui répondit Langevin d’un air bonasse, et traîtreusement comme un âne rouge, je ne demande pas mieux que de donner de l’argent à des gens de Mayence, mais c’est à condition qu’ils me donneront des jambons ; et sinon, voyez-vous, ce sera tout de même que pour les