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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

terrible Tallien, n’aurait pas eu tout-à-fait seize ans révolus, à ce compte-là ?

Une infirmité naturelle a cette bonne femme est de se persuader tout ce qu’elle veut croire et de ne vouloir ignorer de rien ; témoin sa tragique aventure avec le crucifix des Balsamites et ce pauvre M. de Caylus[1].

La première lettre que je reçus en sortant de prison fut une circulaire du citoyen Montlinot, commissaire national chargé de la distribution des secours publics pour les réfugiés mayençais et les filles-mères.

  1. À l’ile de Puteaux, 12 juillet.

    « … Le général Rapp vient de divorcer avec une Dme Vanderberg. Ils faisaient très-mauvais ménage, et tout le monde dit que Bonaparte veut forcer la vieille, de Gevres à épouser le général Rapp, qui n’a guère plus de 50 ans, et pour qu’il prenne son nom du Guesctin. Comme c’est le fils d’un paysan, c’est un cri de rage épouvantable et universel, et la duchesse en a grand’peur en disant que le Grand Napoléon est un scélérat qui est capable de toute sorte de persécutions. Il paraît que Mme de Tourzel s’en moque, mais Mme de Tingri lui conseille très sérieusement de s’en à aller à la campagne, et vous pensez bien que je ne crois pas un mot d’une folie pareille. On dit que je suis un esprit fort, mais on dit aussi que c’est une invention des deux demoiselles de Valence et de Mlle de Bonchamp pour prouver la tyrannie de cet empereur. Il parait qu’elles composent toutes les semaines une ou deux histoires dans cette intention-là ; mais pour cette fois-ci, le succès a dû surpasser toutes leurs espérances. Tout Paris ne parle d’autre chose, et c’est un vacarme affreux. Il faut convenir que c’est une singulière imagination de ces petites filles qui ont beaucoup d’esprit, dit-on. Lettre de la Csse de Coislin à la Psse de Nasrau-Sarrebruck, sa nièce.