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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

La populace en éprouva de l’émotion ; on en parla jusque dans les comités conventionnels, et Carnot se disputa contre Roberspierre qui paraissait approuver la rigueur de Fouquier-Tinville. C’était le premier symptôme de dissention qui se fût manifesté dans le comité de salut public, et ce fut deux ou trois jours après que le même Carnot s’emporta contre Roberspierre, en séance publique, en lui reprochant d’aspirer à la dictature, et s’écriant : Point de dictateur ! à bas le dictateur !

Il y avait là je ne sais quel autre patriote qui s’approcha de Roberspierre en lui mettant le poing sous le nez. — Que tous les français périssent, cria celui-ci, que tous les Français périssent s’il je faut, mais que la liberté triomphe ! Ô toi que j’avais cru Je plus vertueux des hommes ! si tu pouvais conspirer contre la liberté de ma patrie, je n’y survivrais pas ! Non ! je prendrais ma tête par les cheveux, je la couperais, et te l’offrant comme le plus bel exemple que l’on puisse donner à un despote, je te dirais Tiens, tyran, voilà l’action d’un homme libre !…

Il parait que Tallien voulut profiter de la circonstance, et qu’il se mit a parler du poignard de Brutus dont il montra le manche avec la gaîne, en ajoutant qu’il s’en était muni pour immoler un nouveau César.

À bas le tyran ! s’écria-t-on de partout dans la salle, à bas le tyran ! à bas ! à bas !… et voilà toute la Convention nationale en insurrection contre Robespierre qui ne sait auquel entendre. On l’accable de reproches, de menaces et d’invectives, on lui refuse la parole, on ne lui permet seulement pas