Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

prison de St-Lazare avec son fils âgé de 22 ans, lequel était le meilleur et le plus beau jeune homme de la terre. Je me souviens qu’en le voyant passer dans la grande allée des Tuileries, les jeunes femmes de la ville et les jeunes gens se demandaient toujours qui ce pouvait être ? M. de Loiserolles entendi qu’on venait chercher son fils qui dormait et qu’on avait dénoncé comme ayant pris part à la prétendue conspiration des prisonniers, il se présente à sa place, on l’emmène au tribunal, on l’envoie à la guittotine, et l’on substitue tout uniment son âge à celui de son fils dans l’acte de condamnation. La Duchesse du Châtelet, femme de mon neveu, fut condamnée sur un acte d’accusation qui avait été dressé contre son homme d’affaire ; et dans celui qui fut crié dans les rues, sur la mort de ma pauvre amie, la Marquise de Marbœuf, nous vîmes que le motif allégué contre elle était d’avoir fait semer de la luzerne, et non pas des pommes de terre ou du blé, dans les carrés de son parc aux Champs-Élysées.

Toujours est-il que les habitans de Paris ne pouvaient se procurer des vivres que sur le bon d’un commissaire aux subsistances, à raison d’une once de pain par jour et d’une livre de viande tous les trois jours, pour chaque individu. Encore, on ne pouvait obtenir ces distributions qu’après avoir passé quelquefois des journées ou des nuits entières à la porte d’un boulanger ou d’un boucher. À la vérité, les épouses, les mères et les filles de fonctionnaires

    sur-Onches, en Bourgogne, né en 1733, marié en 1769, mort en 1794. (Note de l’Éditeur)