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mais je sais bien aussi que vous ne mangez pas la vingtième partie de votre revenu, et que vous n’avez aucun besoin qu’on vous donne de l’argent. Souvenez-vous du nom que je vous ai laissé porter, et tâchez de le faire honorablement moyennant la fortune que vous devez à la bonté de mon oncle.

Je ne sais plus ce que le Chevalier bredouilla sur ses revenus qu’on lui payait très mal, et sur son nom qui ne lui servait plus à rien ; mais je sais bien que je fus tellement impatientée de sa bêtise et de ses observations sordides, que je lui dis : — Monsieur, si vous voulez vous appeler Criquet au lieu de Créquy, cà sera faire honneur et plaisir à toute la famille de votre père. Il était mort le lendemain matin, non pas d’impatience et d’irritation, mais d’une indigestion de charcuterie peut-être ? Il a laissé trente mille livres de rente, et l’on trouva chez lui cent soixante et tant de mille francs en quadruples et en louis d’or, sans compter des myriades de pièces de six francs et de petits écus, qu’il avait cachés dans tous les coins de l’hôtel de Comminges, et dont il avait rempli toutes les marmites de sa cuisine. Je vous en ai déjà cité des traits d’avarice inconcevables. Il était le digne fils d’un père extravagant, et j’espère que vous me saurez bon gré d’avoir fait stipuler qu’il ne pourrait jamais se marier sans renoncer aux 26 mille livres de rente que lui avait léguées votre grand-oncle. Jugez quel aurait été le désagrément de voir se perpétuer la descendance de M. de Canaples, en ligne folle et bâtarde ? Mais il est temps d’en revenir aux Mémoires de Mme  Roland,