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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

fait sauvages. Ils avaient dévoré un invalide, et comme la police ne s’occupait de rien sinon des prêtres réfractaires et des ci-devant nobles, les gardes nationaux de Paris se concertèrent entre eux pour en délivrer cette bonne ville ; en conséquence de quelle résolution, ils s’en vinrent cerner et traquer les Champs-Élisées pour refouler toutes ces méchantes bêtes jusque sur la place et dans la rue Royale, où ils en exterminèrent à coups de fusil plus de trois mille, y compris le citoyen Lomparrier, jacobin de notre section, qui se trouva sous le vent du feu. Mais aussi n’était-ce pas le tout, pour la sécurité de Paris, que d’avoir fusillé ces milliers de chiens, et quand il s’agit de les faire enlever pour les enterrer, ce fut un embarras sans exemple. C’était la Commune de Paris qui s’était réservé le monopole des charniers et des fossoyeurs, des tombereaux et des chariots. La Commune eut l’air de blâmer une exécution que la garde nationale avait entreprise avec un esprit d’indépendance et de martialité suspecte ; les municipaux ne voulaient pas faire enlever ces bêtes mortes, en disant que c’était le provenu d’une exécution militaire et qu’ils n’avaient à s’occuper que des choses de légalité civile ; enfin c’est un débat qui dura trois jours, et tous les habitans du quartier s’en enfuyaient comme de la peste. Heureusement pour eux et pour nous, que la salle où siégeait la Convention se trouvait a la portée de ce mauvais air, et comme ce fut le représantant Gasparin qui fut investi de la confiance de l’assemblée pour opérer cette mesure de salut public, il imagina d’en faire une cérémonie patriotique,