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SOUVENIRS

Le Père Guillou m’a dit qu’il avait su directement par le vieux Sanson, avec lequel il avait tous les ans des rapports de conscience, que la tête d’un conventionnel et prêtre jureur, appelé Gardien, avait mordu (dans le même sac de peau), la tête d’un autre girondin nommé Lacaze, et que c’était avec tant de force et d’acharnement qu’il fut impossible de les séparer.

Le Docteur Sue m’a dit que la sensibilité pouvait durer plus de vingt minutes (après ta decollation) dans les différentes parties de la tête. M. Séguret et M. Sue considéraient comme très funeste à l’humanité cette opinion qu’on voulait accréditer, par hypocrisie d’abord, ensuite par un calcul de célérité pour les exécutions révolutionnaires, en soutenant que le supplice de la guillotine était purement instantané. – Il est si peu douloureux, avait dit M. Guillotin, qu’on n’en saurait que dire si on ne s’attendait pas à mourir, et qu’on croirait n’avoir senti qu’une légère fraîcheur#1.

– La guillotine est un des genres de mort les plus horribles et les plus inhumains qu’on ait jamais inventés, me disait le Docteur Séguret (à l’oreille, afin de ne pas effrayer les faibles). Les douleurs qui suivent la décapitation sont épouvantables, et je crois fermement qu’elles se perpétuent jusqu’à l’extinc-

    intitulé : Recherches médico-légales sur la douleur après la décollation. Paris 1833. (Note de l’Éditeur)