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comparaison et ce manque de tact de Mme Roland. Il va dans les habitudes du grand monde une foule de règles qu’une personne d’un goût délicat ne blessera jamais, soit qu’on les lui ait signalées, ou soit qu’elle les ignore.

L’esprit peut très bien s’allier avec le ridicule, mais pour peu qu’on ait de jugement, on s’en trouve infailliblement préservé, ce qui m’a toujours fait penser que le bon goût provient plutôt du jugement que de l’esprit.

Mme Roland me dit ensuite je ne sais combien de choses sur le représentant Barbaroux dont elle se plaignit avec amertume : c’était relativement à sa conduite envers M. Roland, à ce qu’il me semble aujourd’hui, car je ne l’écoutai pas avec une grande attention sur le chapitre de ce beau Girondin. L’objet de ses amours n’est pas toujours celui dont on parle le mieux, a dit je ne sais qui, je ne sais pas où ; mais c’est toujours celui dont on parle le plus.

Elle me promit de ne me citer en aucune façon dans ses Mémoires, et l’on verra qu’elle n’a pas tenu parole. Nous nous séparâmes avec des effusions de sensibilité que j’aurais peine à concevoir aujourd’hui, si nos cœurs ne s’étaient pas accordés dans un même sentiment de tendresse et d’inquiétudes maternelles. Notre porte-clefs tomba malade, et je ne l’ai jamais revue, cette pauvre mère ! On nous dit, quelque temps après qu’on l’avait transférée à la Conciergerie, et qu’elle avait péri sur l’échafaud.

Je vais interrompre mon odyssée terroriste, pour achever ce qui me reste à vous dire au sujet de cette