Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

dinal de Loménie. Vous pensez bien que son affliction ne pouvait être adoucie par la conduite de son gendre ni par celle de son petit-fils ? Quand l’heure de sa mort allait sonner, je pensai que ce serait pour lui celle de la délivrance, et je vous assure que j’eue le courage et la charité de m’en réjouir. Je lui répondis seulement deux ou trois lignes au crayon. — Ne m’attendez pas, Monseigneur, vous souffririez trop ; je ne tarderai pas à vous rejoindre ; la foi me soutient je dompte mes larmes. Adieu mon ami, c’est-à-dire à Dieu.

M. le Duc de Penthièvre est mort un mois avant le décret de la Convention qui ordonnait d’emprisonner tous les princes français et d’apposer le séquestre sur leurs biens. Son corps est dans le même caveau de l’église de Saint-Étienne de Dreux où j’avais l’habitude de m’arrêter… Je ne vous en dirai pas davantage à l’occasion de cette mort, où l’excès des inquiétudes et des prévisions funestes me faisait puiser une sorte de consolation. Aucune langue ne saurait peindre les sentimens qui se combattaient dans mon cœur, et je n’aurai pas la témérité de chercher à les exprimer. Quand on est devenue si vieille et qu’on sent que les larmes vous gagnent, il faut abattre son voile et pleurer sous son voile[1].

  1. Louis-Jean-Marie de Bourbon, Duc de Penthièvre, d’Aumale, de Damville, de Rambouillet et de Châteauvillain, Souverain Prince de Dombes, et Comte et Pair d’Eu, Prince d’Anet et Marquis d’Arc en Barrois, Comte de Vezin, de Dreux, de Vernon, de Lamballe et de Guigamp, Prince