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SOUVENIRS

À la suite de mes interrogatoires, de mes sollicitations et de mes visites à nos juges, que j’avais voulu faire toute seule, afin de ne pas exposer mon fils au danger de s’attirer l’attention des autorités révolutionnaires, je fus d’abord mise en état d’arrestation chez moi, sous la surveillance de trois sans-culottes qui nous voulaient rendre la vie si dure, que Dupont n’y trouva nul autre remède que celui de les gorger de mangeaille et de les maintenir ivres-morts. Il y en eut un qui n’eut pas la force de résister plus de huit jours à ce mauvais régime, et les deux autres en tombèrent malades.

Mais c’est conscience, et vous êtes un meurtrier, disais-je à Dupont.

Il me répondait qu’il n’y a pas de mauvais coups sur de mauvaises bêtes. Il a toujours force proverbes à sa disposition, et quand les deux survivans voulaient écrire à la section pour demander un autre sans-culotte en remplacement du défunt, Dupont leur disait que la grande bande fait les étourneaux maigres ; ensuite il épanchait pour eux des rouges-

    pourra se trouver en danger de prendre des habitudes par trop sanguinaires ; voulez-vous que nous nous entendions ensemble et que nous agissions de concert afin d’y remédier : — Je ne m’y refuserai pas tout-à-fait, si la chose en question n’est pas de nature à compromettre ma tranquillité, répondit l’autre idéologue. Enfin les deux amis s’accordèrent, et il fut convenu qu’ils allaient traduire en français la Philosophie de Kant. L’un de ces hommes était M. le Comte Garat, qui est devenu sénateur impérial, et l’autre, M. le Comte Reynhart, ancien ministre plénipotentiaire et pair de France à l’estampille de 1830.

    (Note de l’Éditeur.)