Page:Créquy - Souvenirs, tome 7.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un homme que l’on pût aimer, la coquetterie littéraire ne serait pas venue se mettre de la partie ; les illusions n’auraient jamais altéré sa raison naturelle, et la personne la plus parfaite de la terre aurait été la Comtesse de Beauharnois, sans restriction.

Je ne l’ai jamais vue s’impatienter qu’une seule fois, et c’était dans le jardin du Luxembourg qui a toujours été l’endroit aux aventures. Il arrive une manière de joli-cœur qui s’établit derrière nos chaises et qui nous attaque de conversation. Il me paraît si merveilleusement sot, que je le pousse de bêtises, et le voilà qui nous dit qu’en sa qualité d’étudiant en médecine, il était reçu dans toutes les premières maisons de Paris. Il nous demanda si nous connaissions Mme de Quibusc et Mme de Radimaton (nous nous sommes toujours souvenues de ces deux noms-là), et comme nous ne pûmes pas lui répondre affirmativement, ceci lui donna la plus mince idée de notre usage du grand monde. — Il y a encore, nous dit-il en ricanant, une jolie Comtesse, une femme charmante pour qui j’ai fait des vers, et qui m’a répondu par d’autres vers où l’on voit combien la Comtesse a été flattée de mon hommage ; c’est la Comtesse de Beauharnois, dont vous aurez sans doute entendu parler… une femme très riche, et c’est bien la meilleure petite femme… — Vous ne connaissez pas la personne dont vous parlez, lui dit-elle sans se retourner, mais avec un accent d’émotion qui m’effraya ! Mme de Beauharnois n’est pas si riche !… et sachez qu’elle n’est pas assez bonne pour excuser de plats mensonges…