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SOUVENIRS

nage, la chancellerie d’Orléans ne pouvait plus trouver aucun moyen d’emprunter. C’était en vain que MM. de Syllery, Frettrau, Laborde, Hérault de Séchelles et Pelletier de Saint-Fargeau avaient entrepris d’alimenter le dragon de l’abîme ; il avait déjà dévoré la meilleure partie de leurs fortunes ; et quand ils avaient vu que sa gueule était toujours grande ouverte, ils en avaient reculé de surprise et d’effroi. Toujours est-il que Louis-Philippe d’Orléans avait fini par mettre sa vaisselle en gage, et qu’il n’avait pu trouver dans tout Paris un seul usurier qui voulût échanger dix mille écus contre la signature de son chancelier.

On avait appris que M. de Mirabeau parlait de ces pauvres orléanistes en mauvais termes. On savait qu’il avait eu plusieurs conférences avec M. Suleau, et comme on le faisait épier (du Palais-Royal), on apprit qu’il était sorti le 4 août, à 2 heures du main, de chez M. Suleau qui logeait place Vendôme. La nuit suivante il était allé chez Mme de Sainte-Amaranthe, où il avait perdu deux mille louis au creps, avec une apparence de sécurité qui ne manqua pas d’étonner toutes les personnes qui ne connaissaient de lui que son manque de fortune…

Le 10 août 1792, c’est-à-dire vingt-sept mois après la lettre d’avis qu’il avait reçue du Raincy, M. Suleau sortait de l’appartement de la Reine et fut massacré dans le passage des Feuillans, tout auprès de la grille des Tuileries… Ma plus se refuse à vous tracer les horribles détails de cet assassinat dont il avait été si bien prévenu par cet homme du Raincy qui s’était dit garde national. Un écri-