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SOUVENIRS

peau couverte de blanc de céruse, et qu’elle se faisait peindre les sourcils avec les cils des paupières et des veines bleues sur les tempes ; mais je puis vous assurer que si la Comtesse de Beauharnois faisait son visage, c’était comme nous le faisions toutes, et qu’elle ne mettait que du rouge ainsi que toutes les autres femmes de qualité. Elle a toujours été blanche comme un cygne, et je n’ai jamais rien vu de si beau que ses yeux ! Je n’ai pas besoin de vous dire qu’elle a fait des poésies fort agréables ; mais ce que je vous dirai pertinemment c’est que depuis la mort de son ami, et je puis ajouter de son protégé, M. Dorat, il n’y a jamais eu personne dans son intimité qui fût capable de les faire pour elle. Son épître au Roi de Prusse, qui lui avait écrit en vers, est un véritable chef-d’œuvre.

— Je retourne en Espagne, et je ne sais quand nous nous reverrons, lui disait la Duchesse d’Ossuna ; écrivez-moi quelque chose sur mes tablettes, et pour me laisser un souvenir de vous ; quelque chose sur l’amour…

— Pourquoi pas sur l’amitié ? — Oh non, sur l’amour ; j’ai mes raisons… Mme de Beauharnois prit une mauvaise plume (c’est un de ses inconvéniens les moins pardonnables ;) et sans fatiguer sa Muse elle écrivit sur les tablettes en question ce quatrain charmant :

« Plus beau que les roses timides,
« Plus doux que le miel printanier,
« L’amour porte des traits perfides ;
« Comme l’abeille et le rosier.