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SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

illustre lignée, et pour usurper tous mes biens. Le Prince Henri se lève et se récrie ; on approche et l’on voit un horrible objet qui paraissait avoir été détaché de quelque momie… On met le plaignant à la porte ; on a soin de le consigner à la grille du château ; et ceci me parut une extravagance à laquelle je ne fis pas autrement d’attention.

Quelque temps après, l’Abbesse de Saint-Antoine[1] me fit dire de me tenir en garde contre les entreprises d’un aventurier qu’on avait chassé des terres de l’empire, où il avait fait semblant d’émigrer, et qui projetai de revenir à Paris pour nous y dénoncer et nous y poursuivre en restitution de toute notre fortune, et notamment du domaine ducal de Créquy, qui ne valait pas moins de quatre-vingt mille écus de rente. Il était pourtant bien avéré que votre maison ne possédait plus ce grand fief, par la raison que, n’étant pas réputé salique, il avait été porté par l’héritière de votre branche aînée dans la maison de Blanchefort, et de là dans l’héritage des Ducs de Bouillon. — Mon Dieu, répondis-je à Mme  de Saint-Antoine, il n’a qu’à venir ; je ne pense pas qu’il existe un tribunal assez stupide ou assez prévaricateur pour lui donner gain de cause ! Vous allez voir si j’avais sujet de me confier

  1. Gabrielle de Beauvau, Abbesse du monastère royal des Bénédictins de la rue Saint-Antoine, et sœur du Maréchal de ce nom, laquelle est morte à Paris en 1806. Le Chevalier de Boufflers, son neveu, disait toujours qu’elle était la personne la plus naturellement spirituelle et la plus naïvement piquante qu’il eût jamais connue.
    (Note de l’Éditeur.)