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SOUVENIRS

jaspé. — Ah ! répliqua-t-il, est-ce qu’on fait des plumes avec du marbre ?

C’est le plus joli propos d’un enfant que j’aie entendu dire ou citer ; à moins que ce ne fût l’histoire de Madame Clotilde avec les deux Béthune quand ils étaient des marmots. — Ma nièce de Piémont les avait rencontrés se promenant dans Bellevue, disait Madame Adélaïde, et leur avait cru pouvoir demander comment ils s’appelaient ? Mais Charost, qui a toujours été dissimulé, téméraire et désobligeant, se mit à dire à son frère aîné pour l’empêcher de répondre à Mme de Piémont, — dis-lui pas ton nom, Sully ![1]

Je ne sais trop comment j’ai pu vous parler d’autres enfans à l’occasion de ce jeune martyr, mais je vous dirai que le souvenir de ses grâces naïves et de sa gentillesse est inséparable, pour ceux qui l’ont connu, du souvenir de ses tortures. Je vois toujours ce bel enfant si doux, si candide et si pur, exténué, mourant, insulté, profané, peut-être ?… Je vois

  1. À propos de naïveté puérile, il faut absolument que j’annote ici la réponse du petit d’Entraignes à l’Empereur d’Allemagne, qui l’avait trouvé dans l’orangerie de Luxembourg avec son Bobinet de précepteur, et qui lui avait demandé des nouvelles de ses parens. — César, lui répondit consciencieusement ce petit garçon, Papa et Maman sont malades de chagrin, à cause de mon infâme conduite !… — Qu’avez-vous donc fait ? reprit César ; et ce bénet d’enfant lui dit qu’il avait pocheté des olives ; et qu’il en avait mangé dans l’intervalle de ses repas. C’est une histoire d’émigration qui m’avait été mandée curieusement par la Maréchal de Ligne. Ma version ne vaudra pas la sienne, il avait fait mille façons pour la bien écrire, et j’ai dit qu’il fallait vous garder sa lettre.
    (Note de l’Auteur.)