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SOUVENIRS

qu’on ne la séparât point de son malheureux frère, auprès duquel elle était restée comme un ange de consolation. Madame Royale était déjà ce qu’elle a toujours été, c’est-à-dire une princesse accomplie.

L’esprit juste et droit, l’âme élevée, religieuse et compatissante ; le cœur haut surtout et partout ![1] Il y a, dans la physionomie, le caractère et la parole de cette fille de France, quelque chose qui participe de l’historique et du légendaire : il y a de la souveraineté et de la sainteté ; de l’autorité Capétienne et de l’auréole du martyr. On dirait, sans la connaître, en voyant cette personne si grandement noble et si prodigieusement simple ; ce ne peut être que la fille d’un roi, et d’un grand roi. Oh oui, en voyant cette femme qui regarde avec tant de sécurité, qui parle si bref et si bien, on entrevoit derrière elle un entassement de prospérités magnifiques et de revers éclatans, des vertus sublimes, et comme une effusion de grandeurs inouies ! Des siècles accumulés, des cœur-de-lion, des père-du-peuple, des paladins, des croisés, des conquérans et des saints ; voilà toutes les idées qu’elle vous donne ou vous rappelle au premier coup d’œil, et c’est l’impression que la Duchesse d’Angoulême a toujours produite à l’étranger.

  1. Lakanal et Robespierre ont dit à l’Abbé Fauchet, qui l’a dit à l’Abbé Emmery (son confesseur à la Conciergerie), de qui je tiens, qu’ils étaient entrés dans la chambre de cette jeune princesse à la tour du Temple, après la mort de tous ses parens, et qu’elle avait répondu à leur interrogatoire avec un laconisme d’intrépidité si fière et si resignée, que ces deux monstres en avaient éprouvé, disait Robespierre, un sentiment de sensibilité respectueuse et d’embarras.
    (Note de l’Auteur.)