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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Il me dit ensuite que l’Abbé Grégoire avait eu l’impertinence de lui écrire, afin de le complimenter sur son patriotisme et pour lui demander l’aumône à l’intention d’un vainqueur de la Bastille ; mais S. A. R. ajouta que, pour toute réponse, elle avait envoyé porter un pain de munition chez ce même bourreau.

Jusqu’ici toute chose entre nous deux s’était passée le mieux du monde, mais ayant eu la coupable franchise ou du moins l’imprudence de dire à l’Évêque de Seez, en présence de Monsieur, que Mirabeau l’aîné se conduisait, non-seulement comme un scélérat, mais comme un fripon, S. A. R. me répliqua très sèchement que, pour les vues politiques et la supériorité des talens, M. de Mirabeau n’avait pas son second dans l’Assemblée nationale. Je n’étais pas obligée de savoir pourquoi mon observation n’avait pas fait le compte de S. A. R., à qui je répondis avec non moins de sécheresse, que j’avais toujours partagé cette opinion de Monsieur, mais que je n’en persistais pas moins dans la mienne. En outre, il y avait eu, dans ce qu’il disait sur les affaires de la Noblesse et sur le projet de constitution, certaines choses qui ne me plaisaient guère, et voilà pourquoi je n’ai pas revu Monsieur.

En sortant de chez lui, j’allai rendre mes devoirs à Madame avec qui je suis toujours restée dans les meilleurs termes, et je me rappelle aussi qu’on lui raconta la bonne aventure de M. de Bonne-Savardin qui s’était sauvé de l’Abbaye la veille de la fédération. Deux infâmes suppôts de l’Aristocratie, dé-