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SOUVENIRS

J’allai quelques jours après faire ma cour à Monsieur qui était venu se réfugier au Luxembourg. Il commença par me raconter ponctuellement comme quoi M. d’Aiguillon, qui voulait jouer la bonne conscience en faisant bonne contenance, avait été faire un beau salut à l’Abbé Maury qui se promenait sur la terrasse des Tuileries, et que cet Abbé lui avait dit en le regardant ferme et froid. — Passe ton chemin, Salope ! Comme il me disait aussi qu’il était question de conférer la présidence de l’Assemblée nationale à M. d’Aiguillon, je lui répondis que ce serait sans doute en signe de dérogation à la loi salique, et ce fut une finesse qui ne manqua pas d’obtenir son approbation.

    un dernier outrage. Sur la terrasse du château de Passy, un homme fut aperçu qui se cachait derrière un groupe d’enfans, et cherchait à voir sans être vu ; c’était d’Orléans. On avait amené ses fils qu’on avait placés en première ligne pour assister à la honte de la monarchie et au crime de leur père. L’aîné de ses fils venait d’atteindre, ce jour-là même, sa seizième année ; la joie était empreinte sur son front. Sa sœur exprimait par un rire convulsif, triste expression des traits de son père, tout ce qu’elle ressentait de bonheur au milieu de tant d’abaissement et de si augustes infortunes. (Histoire de la Révolution de France, par le Vte F. de Colly, vol. 4, page 376). »

    L’historien ne pousse pas plus loin un si pénible rapprochement ; mais l’âme oppressée du lecteur n’y supplée que trop, et le présent vient accroître les angoisses du passé. Aujourd’hui ce fils aîné du régicide est sur le trône ; Mlle d’Orléans est auprès de son frère, aux Tuileries, et l’auguste fille de Louis XVI est retournée dans l’exil, escortée, comme cette première fois, par des mandataires et des affidés du Duc d’Orléans.

    (Note de l’Éditeur.)