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SOUVENIRS

j’allai dans la soirée faire ma cour à la Reine qui se tenait dans ses cabinets. Elle m’avait parlé très judicieusement et très courageusement des affaires du Roi ; tandis que nous étions en tête-à-tête, et lorsque deux ou trois huppes-grises de l’ancienne Cour arrivèrent avec les Dames du palais pour se mettre en cercle, elle eut l’air de s’en contrarier péniblement. Je m’étais levée pour me retirer parce que la Cour était en deuil d’une Archiduchesse, et parce que toute chose était déjà dans un si grand désarroi que je n’avais pas songé à me faire habiller de noir ; mais S. M. voulut bien me retenir et je m’y résignai péniblement. — Si la Reine voulait jouer au Loto pour se distraire et se désennuer, dit Mme  de Chimay, tout doucement, entre haut et bas ; — Princesse, en parlez-vous sérieusement, lui dit la Maréchale de Mouchy, est-ce qu’il est possible de jouer ici lorsque la Cour est en deuil !… Et mois qui me souvins du piquet de M. de Maurepas, j’osai leur dire : — Est-ce que le Loto n’est pas de deuil ?… — Mais il me semble effectivement, dit la Marquise de la Roche-Aymon, qui a toujours été la plus obséquieuse personne de France et la plus sottement finassière, il me semble que le Loto doit être permis lorsqu’on est en deuil. — Le Loto est de deuil, il est même de grand deuil, ajouta la Reine en me regardant et se retenant pour ne pas rire ; je demande qu’on apprête à ces dames une table pour un Loto Dauphin. Les Dames du palais se mirent à jouer, et la Reine reprit avec moi sa conversation qui dura plus d’une heure, pendant laquelle S. M. me donna quelques ordre en me di-