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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

thèque, mais je pense qu’il avait bien pu le composer lui-même, à l’honneur et gloire de Marie-Julie de Brancas.

« Plus que parfaicte en toute chose,
« La grâce, en sa parole, est joincte à la vigueur,
« Et l’éloquence esclot de ses lesvres de rose,
« Comme sort un bon fruict d’une agréable fleur. »

Voici que le parallèle de M. de Vaînes nous a conduits bien loin de Mme de Tessé, dont l’éloquence avait toujours le caractère d’un transport au cerveau, avec son paroxisme nerveux dans la région du cœur et de l’estomac. Ses accès d’enthousiasme donnaient la fièvre d’impatience, à ce que disait le Duc de Penthièvre, et son engouement avait toujours quelque chose de si peu naturel et de si laborieux qu’il me faisait suffoquer.

Ce fut chez elle et par elle que je fis connaissance avec le Chevalier de Pougens, autre enthousiaste (sans fièvre), lequel était fort à la mode à l’hôtel de Tessé, ce qui ne dura par long-temps. M. de Pougens ne manquait ni d’esprit ni d’instruction ; mais il était naturellement débonnaire, et quand il voulait faire de la malice, il était niais. Il a toujours été fort imbu des idées philosophiques, et s’il est aveugle des yeux du corps, il ne l’est pas moins des yeux de l’esprit. Sa bienveillance est universelle, et son besoin d’approbation générale est presque toujours si mal appliqué que cela dégénère en infirmité de jugement. On le verra confondre et mélanger, dans la banalité de son enthousiasme hétérogène et de