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M. Girardin n’avait eu garde de laisser venir un prêtre auprès de ce malheureux Jean-Jacques, et Dieu sait pourtant qu’il aurait trouvé Rousseau dans une disposition qui n’avait plus rien d’hostile à notre sainte religion. Je puis vous assurer qu’il était allé, sinon précisément se confesser, au moins conférer religieusement et fort humblement avec M. du Lau, le nouveau curé de Saint-Sulpice, environ sept à huit jours avant de quitter Paris. Il est inhumé comme un chien danois, au milieu d’une grenouillère et sur un îlot, dans une manière de sépulcre à la hauteur de trois ou quatre pieds. M. Girardin vient d’y faire graver la plus substantielle et la plus concise de toutes ses compositions : Ici repose l’homme de la nature et la vérité. Voilà son chef-d’œuvre en fait d’inscriptions lapidaires. – Mais puisqu’il est en si belle disposition d’enthousiasme pour la nature et la vérité, nous a dit mon fils, pourquoi se fait-il appeler le Marquis de Girardin ?

Monsieur, frère du Roi, se mit un jour à me raconter (je ne savais pourquoi ?) qu’il était allé chasser dans la capitainerie de Chantilly, et qu’ayant suivi le cerf à grand renfort de princes et d’officiers, de sonneux, de piqueux, de limiers et de valets de chiens, on déboucha par un gaulis qui longeait une mare où la bête alla se jeter aux abois, pour de là grimper sur un tertre entouré d’eau, ce qui n’empêcha pas tes chiens de la poursuivre à la nage et les chasseurs de s’y rendre à gué sur leurs jambes, en barbottant dans l’eau trouble, attendu qu’on voyait du bord que deux ou trois chevaux n’y sauraient tenir, parce que c’était une manière d’îlot