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d’idée, pas même ceux qui m’y ont réduit, me force à entrer dans les tristes détails que je vous adresse et que je compte publier par la voie des journaux de France et de l’étranger.

« Ma femme est malade depuis longtemps, et le progrès de son mal, qui la met hors d’état de soigner son petit ménage, lui rend les soins d’autrui nécessaires pour elle-même, quand elle est forcée de garder son lit.

« Je l’ai jusqu’ici gardée et soignée dans toutes ses maladies : la vieillesse et la faiblesse qui la suit ne me permettent plus de lui rendre les mêmes services ; d’ailleurs, le ménage du pauvre, tout petit qu’il soit, ne saurait se faire tout seul il faut se pourvoir au dehors des choses nécessaires à la subsistance  ; il faut les préparer ; il faut maintenir la propreté dans sa maison, et ne pouvant remplir ces soins à moi tout seul, j’ai été forcé, pour y pourvoir, d’essayer de donner une servante à ma femme. Dix-huit mois d’expérience m’ont fait connaître les inconvénients inévitables de cette ressource dans une position pareille à la nôtre, et nous avons éprouvé que la corruption descendait jusqu’à mendier le secours d’une servante afin de nous trahir avec plus de suite et plus de sûreté.

« Réduits à vivre absolument seuls, et néanmoins hors d’état de nous passer du service d’autrui, il ne nous reste, dans les infirmités et l’abandon, qu’un seul moyen de nous soutenir pendant nos vieux jours ; c’est de trouver quelqu’asile où nous puissions subsister à nos frais, mais exemptés d’un travail qui désormais surpasse nos forces,