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On apprit quelque temps après que l’impératrice Catherine de Russie avait acheté de Mme Denys la bibliothèque de son oncle (il devait s’y trouver de belles choses en marge !…) et la sensible héritière de Ferney ne manqua pas de faire circuler dans tout Paris la belle épître qui suit.

Lettre de S. M. l’Impératrice de toutes les Russies à la
nièce d’un grand homme.

« Je viens d’apprendre, Madame, que vous consentez à remettre entre mes mains ce dépôt précieux que M. votre oncle vous a confié, cette bibliothèque que les âmes sensibles ne verront jamais sans se souvenir que ce grand homme sut inspirer aux humains cette bienveillance universelle que tous ses écrits, même ceux de pur agrément, respirent. (Il faut respirer après cette longue période à la moscovite.) Personne avant lui n’écrivit ainsi que lui, il servira d’exemple et de modèle à la race future ; (bonne espérance et belle prophétie !) mais il faudrait unir le génie à la philosophie, aux connaissances et aux agrémens, en un mot être semblable à M. de Voltaire, pour l’égaler ; (voilà qui n’est pas contestable) ; et si j’ai partagé avec toute l’Europe, vos regrets, Madame, sur la perte de cet homme incomparable, vous vous êtes mise

    Mme de Créquy répondit un jour à je ne sais quelle sotte question de Milady Craven ; « Non, Madame c’était du temps d’un roi de France qui s’appelait Louis XV et qui vivait sous le règne de Voltaire ! »

    (Note de l’Éditeur.)