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que dans une entrevue dogmatique avec un docteur de Sorbonne, il aurait plutôt l’occasion d’écouter que celle de parler ; qu’il n’aurait à proférer que des monosyllabes, et que, s’il ne pouvait faire que des signes de tête affirmatifs, on s’en contenterait. On ne montra pas cette lettre à Voltaire ; on le séquestra comme un testament olographe ; et quand on envoya chercher M. de Tersac, c’est qu’il était à la dernière extrémité. Celui-ci refusa d’administrer les sacrements de l’Église ; il se mit à genoux au milieu de la chambre ; il y fit à voix basse une prière qui dura sept à huit minutes, et s’en retourna sans avoir adressé la parole à aucune personne de la maison.

Tout ce qu’on a dit et publié sur ses discussions théologiques avec le vieux philosophe est de pure invention.

Tout ce qu’on a pu savoir sur les derniers moments de Voltaire, qui n’avaient en pour témoins que des philosophes, c’est qu’il avait passé deux jours et deux nuits dans une succession continuelle de fureurs, de rugissements féroces et de saletés horribles. On l’entendait crier de la loge du suisse à l’hôtel de Nesle, et les sœurs du Tiers-Ordre qui l’ensevelirent, avaient eu peur de le toucher, tant l’expression de son visage était épouvantable ; ce qui, dirent-elles à mes gens, n’est pas ordinaire après la mort.

Quand on eut pris la résolution de le faire partir pour Scellières en chaise de poste, assis à côté de M. Mignot, et suspendu par dessous les bras au moyen d’une corde, on envoya chercher les mêmes