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Bien attaqué, bien garanti, notre Curé lui répondit sans sortir de la gravité convenable et dans le style assez admiratif pour ne pas être accusé d’ignorance du monde et d’excès de rigidité : il y mêla des vérités sévères, assorties à ses fonctions ainsi qu’à la situation de ce passager sur son département ; il ne fit attendre le laquais de M. de Villette que pendant un quart d’heure et lui fit donner cette réponse.

« Tous mes paroissiens, Monsieur, ont droit à des soins égaux de ma part ; c’est la nécessité seule qui peut m’obliger à les partager avec mes collaborateurs, mais un homme tel que Monsieur de Voltaire est fait pour attirer une attention particulière ; sa célébrité, qui fixe sur lui tous les yeux de la capitale de ce grand royaume, et peut-être l’attention de l’Europe, est bien digne d’attirer, on en conviendra, toute la sollicitude pastorale et l’attention d’un Curé.

« Si tout ce que vous avez fait était nécessaire, Monsieur, c’était autant que cela pouvait être utile et consolant pour vous dans le danger qui vous menaçait et la maladie qui vous menace encore. Mon ministère ayant pour objet le bonheur de l’homme, en tournant à son profit les malheurs inséparables de sa condition, et en dissipant, aux lumières de la science et de la foi, les ténèbres qui offusquent sa raison et qui voudraient en borner l’exercice dans le cercle étroit de cette misérable vie, jugez avec quel empressement je