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SOUVENIRS

à qui que ce soit, pas même à M. de Villette, à qui je m’en rapporte volontiers pour cette expérience-là…

« Le Marquis de Villette a très-mal passé la première moitié de sa vie les gens de qualité se sont moqués de sa noblesse, et les gens de lettres de son esprit ; je conçois donc que M. le Marquis les ait pris en haine. Il lui plaît aujourd’hui de rétrograder vers son origine et de marcher à reculons du côté de son berceau ; mais il dépend de nous d’éventer sa politique et voilà ce qui ne manquera pas d’arriver.

« Vous me feriez plaisir aussi d’avertir la Chronique nationale de ne pas tant féliciter la garde citoyenne sur le peu d’assassinats commis pendant cet hiver, ainsi que sur le petit nombre d’accidents endurés par les piétons, à moins que ce journal et M. Villette ne veuillent rendre grâce à M. Lafayette du peu de neige qui est tombé jusqu’ici et de la beauté du temps qu’il fait encore, après l’été de la Saint-Martin. Il est question d’un âne qui était resté parfaitement sage pendant plus de mille ans, parce qu’il n’avait pas rencontré d’ânesse. Je conseille à la Chronique nationale d’imiter cette logique, et de convenir que, si l’on n’est pas en risque d’être écrasé dans les rues de Paris, c’est qu’il n’y a plus de voitures, et que si l’on n’est pas en danger d’être égorgé dans les rues, s’entend, je ne parle pas de l’Hôtel-de-Ville et des prisons de Paris, c’est qu’il s’y trouve un peu plus de sentinelles que de passants. Paris ressemble assez bien à un collége où il aurait plus de professeurs que d’écoliers.