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SOUVENIRS

d’Évangéliste de la révolution. Parlez-moi de cette abnégation-là !

« Je sais bien que depuis quelque temps plusieurs gentilshommes qui se croient gens de lettres ont démocratisé leurs noms pour se rajeunir et recouvrer leur innocence littéraire. Ils ont dépouillé un nom chargé de mauvaises œuvres et tout couvert des iniquités de leur jeunesse, avec la prudence du serpent qui change de peau. Par exemple, Monsieur le Chevalier de Cubières de Palmézeaux[1] a trouvé moyen de tirer un fort bon parti de la révolution qui généralement n’est guère profitable aux officiers de nos Princesses. Il vient de publier un ouvrage sous le nom de Michel Cubières. Le voilà tout nouveau venu dans la république des lettres le voilà reblanchi, regratté, mis à neuf ; il peut renier l’ancien Chevalier, son homonyme, il peut s’en moquer même, et ceci prouverait combien la révolution française aurait agi profitablement sur son bon esprit et son bon goût. Enfin, si Michel Cubières écrit jamais quelque chose de passable, on ne croira jamais que ce soit le même homme.

« Mais aucun de ces Messieurs n’a pu renouveler son baptême avec autant d’éclat que Monsieur le Marquis de Villette. Ils rentrent dans le monde comme ils étaient venus pour la première fois, c’est-à-dire à petit bruit et modestement, et tout ce qu’ils espèrent, c’est de profiter de leur expérience des choses et des muses, en prenant mieux leurs mesures en vers comme en prose

  1. Frère de l’auteur de cet article.