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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

sur la charrette, ah ! tonnerre de Dieu ! peut-on rire comme ça ! C’est pour en mourir ! on en crève. »

Le petit de Bièvres était de la première force au jeu d’échecs. M. d’Angivillers se trouvait obligé d’en convenir, et Maréchal allait deux fois par semaine à Versailles afin d’y faire la partie de M. le Surintendant. Votre père m’a conté qu’il y jouait une certaine fois (le jeune de Bièvres) de toute sa force, mais que le vieux d’Angivillers n’en avait pas moins l’avantage sur lui. On entendit annoncer coup sur coup, dans le même salon de la surintendance, M. le Comte d’Estaing, M. le Vicomte de Melun, M. le Marquis de Nesle et M. le Baron de Montmorency. Il y avait peu de monde ; et comme ces quatre personnages étaient brouillés à couteaux tirés, ils ne restèrent pas plus de cinq à six minutes en regard les uns des autres. Ceci ne manqua pas de fournir sujet à Mme la Comtesse d’Angivillers pour en disserter ; et comme elle l’avait l’habitude de citer, incessamment, elle entreprit d’appliquer à la quadruple inopportunité de cette rencontre fortuite un ou deux vers de M. de Voltaire, dont il ne lui fut jamais possible de se rappeler la fin.

« Je combattais, Seigneur, avec Montmorency,
D’Estain, Melun, de Nesle… »

Et chacun, répétait continuellement, sans rien trouver, d’Estain, Melun, de Nesle

Et ce fameux coup-ci ! poursuivit M. de Bièvres en appliquant son cavalier pour amener échec au roi ; ce qui lui ramena la partie tout-à-fait déses-