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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

tesse de Rouault… C’était le sujet de la colère de Monseigneur, et tout le monde en rit sous cape.

M. de Bièvres était donc en disgrâce complète auprès du duc de Chartres qui ne pouvait l’envisager de sang-froid, ce que l’autre affrontait sans la plus légère émotion et sans autrement s’embarrasser de ses airs d’hostilité ni de ses dénigremens. — Comme il est désagréable et ginguet ! je le trouve laid ! mais c’est qu’il est véritablement laid ! murmurait le Duc de Chartres en rougissant de colère. Aucun des siens, et si plat valet qu’il fût, n’aurait osé faire sa partie dans cette manière d’imprécation ridiculement sotte, car celui dont il parlait en ces termes était visiblement de la plus jolie taille, la plus agréable figure et la plus charmante physionomie du monde. C’était le visage régulier d’un jeune grec sous un minois français, avec des vivacités contenues, de curieux sourires et des regards discrets qui disaient tout : il avait une tournure élégante, avec des mouvements légers et souples ; enfin, c’était la bonne grâce de France et de Paris personnifiée. Il n’est pas difficile de trouver des plus beaux hommes que les Français, mais rien n’était si joli qu’un jeune Parisien de ce temps-là.

Celui-ci disait avec un air de modestie respectueuse : — Si j’étais aussi laid que le dit M. le Duc de Chartres, il ne m’en voudrait peut-être pas autant…

Il n’avait fait en quatre ou cinq pages d’écriture une plaisanterie qui ne fit aucun plaisir au Duc de Chartres et qui réussit à merveille dans la société