Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

lent et n’en sont pas malades ? ils sont devenus prodigieusement raisonnables !

Les enfans qu’on fait manger dans leurs chambres et qu’on laisse manger à leur appétit, ne sont jamais gourmands. C’est la moralité de mon historiette.

Si j’avais fini ce long article sans avoir parlé du Marquis de Laval, on pourrait dire qu’il manque quelque chose à ce chapitre de mes souvenirs, et vous pourriez supposé que je ne l’ai pas terminé, consciencieusement. Je vous dirai dont que le Marquis, depuis Duc de Laval, était censé le remplaçant de l’ancien Évêque de Lisieux (M. de Matignon); pour le monopole du ridicule avec privilège. Mais pour mon propre compte et dans l’opinion des personnes d’esprit, il se trouvait entre l’Évêque et le Marquis une différence énorme, attendu que si ce dernier disait quelquefois des choses étranges, il ne faisait jamais de bévues, et des bêtises encore moins. Il a toujours été l’homme du monde le plus honorable pour le caractère, le plus estimé pour le courage, et le plus délicatement sévère en fait de probité. Il a toujours été pleinement et hautement considéré pour sa loyauté politique et sa véracité scrupuleuse ; et du reste, il est tellement obligeant, soigneux et attachant par ses procédés, qu’il a toujours conservé de nombreux amis. C’est un homme d’un sens naturellement droit et si nettement judicieux, qu’il a pour toutes les choses de calcul, et notamment pour les jeux de commerce, une aptitude incomparable. J’ai toujours pensé que toutes les étrangetés qu’on lui prêtait n’étaient