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SOUVENIRS

de la poitrine et de la terreur des acides ; jamais d’autre boisson que de l’eau panée ; c’est excellent pour les enfans ; et jamais de pâtisseries, ce qui va sans dire, à cause de l’estomac. On les nourrissait à la panade et la bouillie de gruau pour les bons repas, ensuite on leur donnait pour le goûter ainsi qu’au déjeûner, du colifichet emmietté dans du lait écrémé, comme on aurait fait pour élever des serins jaunes à la brochette. Le Marquis de Villeneuse de Trans disait que sa femme avait une perruche à qui l’on donnait bien autrement à manger qu’à ces quatre enfans ! Comme tous les enfans mouraient de faim, ils pleuraient toute la journée. Ils en devenaient voleurs et menteurs : et même il y avait des garçons qui finissaient par se révolter. Les trois Béthune et les Choiseul s’étaient confédéres pour escalader je ne sais combien de murailles afin d’aller dévaster pendant la nuit, l’office et le garde-manger de la Duchesse de Sully, leur grand’mère ; mais la situation des petites filles était la plus lamentable, et comme elles n’avaient pas la ressource et l’occasion de pouvoir voler commodément des croûtes de pain, des fruits verts et des carottes crues, les plus alertes et les plus déterminées s’en prenaient à la pâtée du chat.

Le petit de Saint-Mauris et sa sœur qui est aujourd’hui Mme  de Nassau[1], n’avaient pas eu la rougeole qui venait d’éclater à Versailles ; la Prin-

  1. Marie-Maximilienne de Saint-Mauris de Mintbarey, mariée en 1779, au Prince Henry de Nassau, Comte de Saarbruck et Saarwerden. S. A. S. est encore vivante.
    (Note de l’Éditeur.)