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SOUVENIRS

Léonard (pour le distinguer de son frère le Chevalier, dont l’emploi se bornait à couper les cheveux), M. Léonard s’était vanté de coiffer la Duchesse de Luynes, qui n’y regardait guère, avec une de ses chemises, et ce fut la bonne Mme Thibault, femme de chambre de la Reine, qui fut chargée d’en obtenir la permission de Sa Majesté. Cette jeune Princesse en accorda licence, à condition que sa Dame du Palais le permettrait ou ne pourrait s’en apercevoir, et Mme de Luynes arriva coiffée, sans s’en douter le moins de monde, avec une chemise de batiste ; (heureusement que la cour était en deuil !) Ce tour de force eut un succès prodigieux, et Mme la Vicomtesse de Laval se montra, deux ou trois jours après, avec un napperon damassé sur la tête et mis-à-pouf, ce qui fut trouvé d’une folie tout à fait charmante !

Demandez à ma nièce de Matignon s’il n’est pas vrai qu’elle se soit fait coiffer, en l’année 1785, à la jardinière, avec une serviette bise (à litteaux rouges), dans laquelle M. Léonard avait artistement tortillonné un jeune artichaud, une tête de brocoli vert, une jolie carotte et quelques petites raves ?

Dondon Picot, en fur si charmée, qu’elle se mit à crier : — Je ne veux plus porter autre chose que les légumes ! cela a l’air si simple, des légumes ! c’est plus naturel, que des fleurs ![1]

  1. Dondon Picot était un surnom donné par les auteurs des Actes des Apôtres et du Petit Gauthier, journaux aristocrates à Mme la Comtesse Charles de Lameth, riche créole, dont le nom de famille était Picot de Château-Morand.
    (Note de l’Éditeur.)