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SOUVENIRS

y avait à la cour, à la ville et partout où l’on pouvait aller, une Marquise de Sainte-Aulaire, infiniment belle, assez joyeuse, un peu légère, et que nous appelions à cause de cela la divinité qui s’amuse[1]. Je la rencontre à la porte du cloître un

  1. Nicole-Angélique de la Ravoye, veuve de Marc-Antoine de Beaupoyl, Marquis de Sainte-Aulaire et de Lanmary, Grand-Échanson de France, Chevalier des ordres du Roi et son Ambassadeur en Suède, lequel était mort à Stockholm en 1749. Il avait ordonné qu’on n’envoyât pas son corps en France, et comme on lui voulut faire observer qu’il ne pourrait être inhumé en terre sainte dans un pays de huguenots ; — Mais, répondit-il, le protestantisme ne date pas de si loin ; vous n’aurez qu’à faire creuser deux toises de plus, je me trouverai parmi des catholiques.

    Tout donne à penser que le fameux quatrain du Marquis (François-Joseph) de Ste-Aulaire à Mme  la Duchesse du Maine n’est ignoré de personne, mais s’il pouvait être inconnu de mon petit-fils, j’en serais inconsolable et j’en serais honteuse, attendu qu’il était, de mon temps, le plus illustre et le plus renommé des madrigaux !

    « La divinité qui s’amuse
    « À me demander mon secret,
    « Si j’étais Apollon, ne serait point ma Muse ;
    « Elle serait Thétis, et le jour finirait…

    J’ai rencontré parfois le vieux Marquis de Ste-Aulaire. Il était de l’Académie Française, et l’on y faisait grande attention pour les motifs de sa naissance, de son esprit ingénieux, de la dignité de son caractère, et de sa politesse exquise. Je ne sache pas qu’il eût jamais fait d’autres vers que ceux de ce quatrain ; mais il ne faut pas supposer que ce soit la seule illustration de sa famille. Elle a fourni plusieurs Grands-Officiers à la Couronne, et rien n’est si beau que ses alliances. Il y a un jeune Ste-Aulaire qui vient d’épouser la riche héritière des Soyecourt, dont la mère est Princesse de