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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

pendant plus de deux ans, on a fini par en permettre la représentation. Tout le monde s’y porte, et c’est un succès qui n’aurait pas eu lieu sans le prestige de la première défense ; c’est une victoire que j’ai remportée sur l’autorité ! Il ne tient qu’à moi de penser que l’heureuse audace de mon caractère est une puissance réelle ; et quand on ose attaquer mon telent, savez-vous comment je réponds ? Je réponds aux rédacteurs de la Gazette de France ou du Journal de Paris : « Misérables, quand j’ai su vaincre tigres et lions pour faire jouer mes comédies, pensez-vous qu’après le succès du Mariage de Figaro, je veuille me résoudre, ainsi qu’une servante hollandaise, à battre l’osier tous les matins sur l’insecte vil de la nuit ? »

— C’est une charmante épigramme ! et tout le monde a dû penser que vous compariez ceux qui se donnent les airs de vous critiquer à des punaises.

— Ah ! ne dites pas cela, je n’en conviens pas ; je l’ai démenti pour sortir de Saint-Lazare, où le Baron de Breteuil m’avait fait emprisonner ; je me suis rétracté.

— Tant mieux !

— Ce sera tant pis pour mes adversaires, et je vais manœuvrer de manière à m’en venger par tous les moyens dont il est possible d’user, sans avoir à craindre d’être pendu.

Le voilà cet impudent valet, ce Figaro ; voilà Beaumarchais au naturel. Je vous ai déjà dit que M. de Maurepas l’employait dans son cabinet, et le faisait employer à certains messages pour les affaires