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SOUVENIRS

lement contre le Prince de Guémenée, le premier seigneur de France !

Cependant les créanciers souffraient et criaient. Je vous puis assurer que dans les premiers momens de cette catastrophe, Mme de Guémenée ne savait ce que cela voulait dire ? Mais tout aussitôt qu’elle aperçut qu’on lui faisait froide mine à Versailles, elle commença par donner la démission de sa charge (Gouvernante des Enfans de France) ; elle accourut à Paris, chez elle, à l’hôtel de Soubise, où je m’empressai de l’aller voir et où je la trouvai dans un état qui participait de la révolte et de la sécurité. Elle était indignée de ce qu’on s’inquiétât, de ce qu’on eût fait une affaire de si peu de chose, et surtout de ce qu’on avait perdu la tête au point de ne savoir que faire en voyant que l’argent allait manquer pour payer des rentes échues.

— On ne vous avait parlé de rien, pour ne pas vous tourmenter, lui disait son mari, et peut-être aussi parce qu’on a pensé que vous n’entendriez rien à pareille affaire.

— Mais, mon Cousin, lui disait-elle avec beaucoup de raison, vous ne vous y entendez pas mieux qu’un autre, et j’avais des ressources que vous n’aviez pas. Au bout de vingt-quatre heures, avec mes diamans, sans parler de notre vaisselle à mes armes (il y en avait deux chambres toutes remplies), on aurait trouvé plus qu’il ne fallait pour payer vos rentes, et la preuve en est qu’on vient de vous compter douze millions, moyennant un chiffon de papier où je n’ai eu que la peine de mettre