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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

sait le récit pour me témoigner combien ces élèves de M. Bonnard avaient un langage ignoble, et quant à la marque assurée d’un sentiment fort ignoble, elle était si loin d’en être formalisée, qu’elle ne s’en apercevait seulement pas.

Quand Mme  de Genlis était fâcher contre l’aîné de ses élèves, elle en parlai sans réserve, en nous disant que son intelligence et son esprit étaient celle d’un receveur des tailles et celui d’un procureur. Il y a des raisonnemens comme un arpenteur et des combinaisons comme un huissier, disait-elle. Elle se plaignit plus tard de ce qu’il n’avait absolument aucun sentiment religieux, et de ce qu’il avait proféré des choses irrévérencieuses. Ce n’étaient pas des plaisanteries de jeune homme, il n’en savait pas faire, et je ne crois pas qu’il ait jamais eu cette prétention-là ; mais c’étaient des argumentations tellement ridicules, que si l’on n’avait pas connu la tournure de son esprit et la nature de son jugement, on aurait cru qu’il voulait se moquer du monde.

Il entendait parler un jour du Judaïsme vengé, livre nouveau, dont l’auteur avait entrepris de nous démonter que la condamnation du Messie avait été légale et légitime. — Mais ce serait assez mon avis, dit ce petit procédurier. — Qu’est-ce que Jésus-Christ avait besoin d’aller dans un endroit où l’on cultivait des olives, et pourquoi s’est-il permis d’entrer dans un enclos pendant la nuit et par dessus les murs ou les haies, apparemment ? Car qui dit jardin dit un enclos, c’est-à-dire un endroit clos et fermé

Voilà tout ce que le nouveau Duc de Chartres