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SOUVENIRS

— Oui-da ! répondait Mme  la Duchesse de Chartres, — et si vous êtes bien nourris vous n’êtes pas bien élevés : c’est comme la volaille. Ne criez donc pas quand vous parlez ; et tâchez de ne pas jaboter tous les quatre à la fois, comme si vous étiez des pintandes.

L’inconvenance et les autres inconvéniens d’une pareille éducation pour les enfans de sa fille, étaient pour M. de Penthièvre une contrariété remplie d’amertume, et c’est à peu près la seule chose dont je l’aie vu s’impatienter. La prédilection de son gendre en faveur de M. Bonnard était purement et simplement un effet de son avarice, attendu qu’il ne lui donnait que mille écus de gages avec le titre de sous-gouverneur. Mme  de Genlis en avait martel en tête : elle avait conçu l’ambition de réformer les d’Orléans, et, pour y parvenir, elle commença par se réconcilier tendrement avec la Marquise de Montesson, madame sa tante ; celle-ci manœuvra si bien que M. le Duc de Chartres en obtint l’agrément de son père ; mais on eut grand’peine à triompher de la résistance de M. de Penthièvre et de l’opposition de sa fille. — Je conviens, répondais-je à ceux qui venaient m’en parler, que Mme  de Genlis est une femme d’esprit, et d’assez bon goût ; je la crois fort honnête personne, mais je ne pense pas que sa première éducation personnelle ait été dirigée de manière à l’approprier pour la circonstance. Les prodigalités de sa mère et la pénurie dont elle a souffert, ont eu l’effet de lui rétrécir les idées ; elle est inclinée du côté de l’épargne, à ce qu’il me semble, les enfans dont il s’agit ne paraissent pas