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SOUVENIRS

vingt mille livres de rentes viagères, avec un traitement annuel de douze mille livres, un logement au Louvre, et le cordon noir de Saint-Michel, avec le titre de médecin consultant pour Sa Majesté ! On lui demandait seulement d’ouvrir un cours de magnétisme et d’y former trois élèves à la pratique de ses admirables procédés.

Comment voudriez-vous qu’une monarchie puisse aller avec des injustices et, tranchons le mot, des extravagances pareilles à celles-ci ? heureusement pour la bonne réputation du ministre de la maison du Roi (Baron de Breteuil) que le docteur Mesmer se trouva tellement choqué de l’incivilité de ses propositions et de sa lésinerie, qu’il ne daigna seulement pas lui répondre, et qu’il partit brusquement pour les eaux d’Aix-la-Chapelle, emmenant plusieurs de ses malades avec lui : c’était les plus dévoués et les plus dociles : mais on ne manqua pas d’observer que ce n’était pas les moins riches. Un habile avocat, nommé Bergasse, parut alors sur la scène ; il entreprit d’obtenir un dédommagement public en faveur de Mesmer, et pour le consoler du mauvais procédé de M. de Breteuil, il imagina d’ouvrir à son profit une souscription de cent actions à cent louis la pièce. C’était cependant à condition qu’aussitôt que la liste serait remplie, M. le Docteur aurait la charité de révéler toute sa doctrine, afin que la nation française, en première ligne, et l’humanité souffrante, en général, pussent être salutairement éclairées sur la mystérieuse organisation du baquet rempli de culs de bouteilles, sur les bons effets de l’application du doigt magnétique, et particulièrement sur l’em-