Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Il y avait au milieu d’une grande salle un baquet rempli de culs de bouteilles, lequel était recouvert d’une toile verte, et d’où sortaient des gaules de fer avec des robinets et des tourniquets ; toutes ces tiges métalliques étaient courbées en demi-cercle, et ceci donnait au gros baquet l’apparence d’une araignée monstrueuse. Les Mesmeristes étaient là rangés qui-l’un qui-l’autre, et tenant chacun le bout de sa gaule appuyé sur ses yeux, dans l’oreille, aux reins, contre la poitrine, au creux de l’estomac, à la gorge ; etc., chacun des malades en posture et dispositions très variées, ceux-ci tremblans de frisson, ceux-là couverts de sueur ; les uns dans une agitation frénétique, en convulsions abominables et se roulant par terre, ainsi que les jansénistes de St.-Médard ; les autres en contemplation béatifique et comme en extase ! Et puis c’étaient des malades qui riaient à gorge déployée, tandis que leurs voisins bâillaient en pleurant, et pendant ceci M. le docteur Mesmer était dans un coin de la salle à jouer de l’harmonica. Il ne s’en dérangeait que pour venir, d’un temps à l’autre, appliquer un de ses doigts sur le front des magnétisés qui lui paraissaient avoir besoin d’une action si puissante et si propice ! Voilà quels étaient les procédés du mesmerisme et voici la doctrine du système.

Le docteur Mesmer avait débuté dans le monde savant par un ouvrage intitulé de Planctarum influxu, dont le but était d’établir que les corps célestes ne sauraient manquer d’exercer sur les corps animés, et particulièrement sur le système nerveux, une influence analogue à celle qui dirige et produit leurs