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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

douloureux qui avait si profondément touché l’auteur d’Iphigénie. Toutes les fois que celui-ci rencontrait M. de Jaucourt au foyer de l’opéra : — Ah monsieur le Marquis ! lui disait-il innocemment, quel malheur que vous ne soyez pas né de manière à pouvoir chanter sur un théâtre !!!

C’était la Duchesse de Saint-Aignan (Françoise Turgot), qui l’avait surnommé Clair-de-lune à cause de sa figure qui était d’une pâleur extrême et pourtant brillante, et c’était aussi pour le distinguer des autres Jaucourt ; ainsi, ne croyez pas à une histoire de revenant qu’il avait forgée pour y attacher l’origine de ce même surnom. Tout le monde prenait la liberté de s’en servir en l’adoptant à pleine approbation, tant il était bien applicable à ce beau Marquis, et voilà le danger des sobriquets. Mme de St.-Aignan en affublait tout son monde ; elle appelait le Comte de Chabrillan, le gros chat, et Mme de la Trémoille, la très molle, surnoms d’assez mauvais goût, comme vous voyez ? Je vous conseille de n’en donner à personne et de ne jamais souffrir qu’on vous en applique.

À la frénésie pour la musique avait succédé la passion pour la tactique militaire, et la discussion roulait particulièrement sur le plus ou moins d’épaisseur qu’il faut donner aux bataillons quand on les dispose en front de colonnes. Je vous demande un peu ce que cela pouvait faire à l’abbé de la Colinière, ainsi qu’à Mme Cocquinaud de Lustrac et Mme Trudaigne de Montigny ?

On avait commencé par s’occuper de cette question-là, sérieusement, pertinemment, entre hom-