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SOUVENIRS

Mme de Blot, qui ne daignait plus jeter les yeux sur lui. — Vous devriez bien m’expliquer votre conduite où je ne comprends rien, lui dit-il un jour en lui tirant le bout de son gant par la pointe, à dessein de l’impatienter ; mais elle se laissa déganter en se reculant, plutôt que de l’honorer d’un mot de réponse, et je croirais assez que c’est pour un ou deux motifs de ce genre-là que je me suis enrôlée sous la bannière du compositeur allemand ; car je suis Gluckiste, et je suis bien aise de vous en prévenir. N’en plaisantez pas.

Les deux antagonistes, les plus passionnés l’un contre l’autre, étaient MM. Arnaud et Marmontel, tous les deux encyclopédistes et célèbres philosophes. Ils se faisaient une guerre impitoyable, et se reprochaient des choses monstrueuses, à propos de révolution musicale et de musique fixée.

— Mais, mon bon Dieu ! disaient avec raison le Père Garasse et M. Riballier, ces Messieurs nous accusaient d’intolérance, quand il était question des vérités les plus importantes et les plus utiles au genre humain ! Voyez donc comme ils se persécutent et comme ils se déchirent entre eux pour les choses du monde les plus futiles. Est-ce que l’objet de leurs disputes est plus facile à saisir que les maximes de la théologie dogmatique ? Est-ce que leurs explications sont plus satisfaisantes que les nôtres, auxquelles ils ne voulaient pas accéder parce que l’exigence de leur raison ne s’en contentait pas ? Les philosophes ont toujours agi comme leurs devanciers et leurs amis les protestans ; ils ont crié, pendant longtemps : liberté générale, indulgence abso-