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aise de pouvoir tomber aux pieds de LL. MM. ; je lui ai répondu (charitablement) qu’à son âge, il avait à s’occuper d’un plus grand voyage que celui de Paris à Versailles. S’il était venu chez moi, comme il en avait l’intention, je l’aurais traité poliment, mais comme il ne sortira plus de chez lui, nous ne nous reverrons pas ; je m’en ferais un scrupule, et je ne vous donnerai jamais l’occasion de vous scandaliser de mon indulgence ou mon indifférence pour des impiétés comme celles qu’il a mises au jour. Je vous jure que je ne lui donnerai signe de vie ni d’amitié, et vous verrez que je tiendrai parole.

À la suite de cette contrariété pour un gobelet, M. Tronchin fut appelé par les amis de Voltaire, auxquels il défendit de le laisser sortir de sa chambre, et de lui laisser recevoir qui que ce fût. Mais malgré toute la sollicitude et la prudente réserve de M. de Vittette, il se crut obligé de laisser arriver jusqu’à son hôte (qui, pour cette fois, souffrait réellement et cruellement d’une strangurie), madame Necker, accompagnée de M. Francklin, le plénipotentiaire américain, et de M. Balbâtre, l’organiste de Saint-Eustache. On fut enchanté de la vivacité d’esprit et de la recherche qu’il employa pour cajoler et captiver l’illustre épouse de M. le Contrôleur-général des finances, et bien qu’il souffrît d’un grand mal de tête, il voulut absolument flatter l’amour-propre de ce protégé de Mme Necker, c’est-à-dire le joueur de clavecin, auquel il fit exécuter une sonate pendant laquelle il s’endormit profondément.

On apprit, le 20 février, que M. de Voltaire avait