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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Ainsi que Voltaire, il aurait pourtant voulu mourir dans la religion de son père et de son pays. Il avait écrit à l’Ambassadeur de France, qu’il n’avait jamais cessé de rester chrétien dans le fond de son cœur, et qu’il le suppliait de lui envoyer un de ses aumôniers pour l’entendre en confession, pour l’absoudre, enfin pour témoigner de son repentir, en réparation du scandale qu’il avait donné à la chrétienté, de la douleur qu’il avait causée dans sa famille, et de l’insulte qu’il avait faite à la noblesse française. M. de Peyssonnel, premier secrétaire de notre ambassade, avait pris sur lui d’aller visiter ce renégat, et l’avait trouvé qui répétait dans l’ardeur de la fièvre et sombrement, ces vers de Malherbe :

« N’espérons plus, mon âme, aux promesses du monde ;
Son éclat n’est qu’un verre, et sa faveur une onde
Que toujours quelque vent empêche de calmer.
Quittons les vanités, lassons-nous de les suivre ;
C’est Dieu qui nous fait vivre,
C’est Dieu qu’il faut aimer ! »

Ainsi que Voltaire, étendu sur son lit de mort et son lit de justice, en présence de Dieu, Achmet Pacha fut circonvenu par des familiers impies. On l’enve-

    de le condamner à mort, pour le fait d’avoir été servir à l’ennemi. Comme il ne pouvait tenir nulle part, il ne manqua pas de se brouiller avec la cour de Vienne, et fut se réfugier auprès du Grand Turc, qui lui conféra la dignité de Combarici-Bachi, ainsi que l’enseigne à trois queues du Pachalick de Romélie. Il avait renié le christianisme en 1738, et mourut à Constantinople en 1747.

    (Note de l’Auteur.)