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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

pour l’honneur ou la réputation de la Duchesse de Bourbon, sa sœur, parce qu’elle n’était ni sa femme, ni sa fille. (Et l’honneur de sa mère, comment en a-t-il parlé quelques années après dans la tribune des Jacobins ?) Je ne vous en dirai pas davantage à l’occasion de sa turpitude maritime, et le cœur en soulève. J’avais eu l’intention de vous parler de sa conduite à propos du duel entre M. le Comte d’Artois et l’héritier des Condé, mais j’ai promis à Mme  la Duchesse de Bourbon de n’en rien écrire, et c’est un service à lui rendre. J’ai pris aussi l’engagement de ne rien laisser dans mes papiers qui puisse être relatif à la naissance de l’Abbé Delille, et j’en suis fâchée pour vous, car il y a dans tout cela quelque chose de si naïvement tendre et de si curieusement nouveau, pour être absolument comme au vieux temps, que cela n’aurait pu manquer de vous intéresser. C’est comme une Sirvente au donjon féodal et comme une Églogue au cimetière. Mais je reviendrai tout-à-l’heure à M. Delille, et j’ai la fantaisie de vous parler un peu marine, en qualité d’intime amie du Grand-Amiral.

Les deux années suivantes furent signalées par deux grandes victoires et par un grand désastre qui ne fut pas moins honorable à la marine française. Le Comte d’Estaing fit la conquête de la Grenade et détruisit l’escadre de l’Amiral Byron. L’intrépide Lamothe-Piquet fit face à toute la flotte anglaise avec trois vaisseaux délabrés, et sauva le riche convoi qui nous arrivait de Saint-Domingue. Mais le 21 janvier, jour néfaste ! le Comte de Grasse fut battu dans un combat naval par l’Amiral anglais